histoire du jour : le surfeur

Publié le par cerise

Gabriel était furieux, ce matin-là. Jamais on ne lui avait confié une mission aussi difficile et avec laquelle il était certain de se ridiculiser !

Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi le patron l’avait appelé, lui, pour la lui confier. Ça ne pouvait être qu’une mesure de rétorsion. Gabriel se creusait la tête, qu’avait–il pu faire de si répréhensible pour mériter pareille sanction ? Il ne voyait pas. Il avait été aimable avec tout le monde, même avec les clients les plus humbles, ne s’était pas emporté, avait rendu correctement la monnaie, n’avait dit de mal d’aucun de ses collègues et encore moins du boss, il était même resté après l’heure à plusieurs reprises la semaine dernière pour terminer certaines tâches qui ne pouvaient souffrir aucun retard… Non, vraiment, il ne voyait pas. La seule chose qui lui venait à l’esprit, c’était peut-être, un manque de courtoisie, l’autre jour devant la machine à café : il était dans la file, attendant son tour quand, Monsieur Théo était arrivé. Là, déjà depuis un quart d’heure, et conscient que l’attente devant cette machine stupide se répercutait sur son efficacité dans les tâches du jour, il ne s’était pas effacé devant le boss,  s’était fait couler son café et avec un sourire chargé d’excuses était retourné à son bureau. Mais franchement il ne parvenait pas à croire que cette petite négligence ait entraîné une telle punition…

Bref, il se rendit au hangar, décrocha son surf et l’emporta à l’atelier pour le préparer. Lors de sa dernière sortie, quelques lames avaient esquinté la planche, un polissage et une bonne couche de wax s’imposaient. La dérive avait aussi été endommagée par des hauts fonds et avec la mission qui venait de lui échoir autant en mettre une neuve « extra strong », qui lui permettrait un aller-retour sans difficulté supplémentaire.

Gabriel ne décolérait pas : comment trouver cette Marie, qui devait ressembler à tant d’autres ? Femme d’ouvrier ébéniste, menuisier ou charpentier, tiens donc, y’en a si peu des ouvriers ! Même pas sûr de la profession, le boss ! C’était encore un coup de cette feignasse de Raphaël, tout juste bon à faire de la lèche, celui-là. Il avait pourtant été chargé de l’enquête initiale, et c’est avec ces pauvres renseignements que Gabriel, devait la retrouver cette Marie puis lui annoncer la nouvelle, et quelle nouvelle ! Encore une qui allait être contente !  Annoncer des nouvelles, c’est son job, mais alors des comme ça, merci ! Il se demandait s’il n’aurait pas mieux valu pointer au chômage. Et Raphaël, vraiment non, il ne pouvait pas l’encadrer et maintenant c’est lui Gabriel qui faisait les frais de son jenfoutisme…

Aujourd’hui, tout cela lui semble lointain. Voilà maintenant deux mille trente-quatre ans que cet horrible travail lui a été confié. Avec le recul, il trouve qu’il ne s’en est pas mal tiré. Oui, tout le monde a oublié son désarroi, sa disgrâce, les circonstances et la machine à café. Plus personne ne se souvient du ridicule de la situation ; de cette histoire de naissance, de la virginité des femmes mariées ; sans compter les rires détestables dont par lui, le pauvre mari fut l’objet. Et lui, son rôle de facteur ! Il  est bien à l’origine des blagues idiotes sur la ressemblance des nouveaux nés avec l’homme des fonctions postales et jaunes… Enfin, c’est du passé…

On ne se souvient plus que de ce beau gosse à boucles blondes qui dans un dérapage superbement contrôlé, était arrivé frais et rose au milieu du désert après avoir dégotté cette improbable Marie, femme d’ouvrier, élue pour mettre au monde le sauveur de l’humanité.

Ce boulot-là, lui a valu une notoriété intemporelle et finalement, il en est content. Depuis, il a cessé toute activité d’ange ; anonymement, il vit de ses rentes et surfe toutes les plus belles vagues de la planète. Aucun renseignement n’est disponible, sur l’état de ses féminines conquêtes.


( Aujourd'hui, mercredi 25 mars, jour de célébration de l'Annonciation. Ce texte a été écrit pour un incroyant qui n'a aucun respect pour ce pauvre Gabriel, que personnellement j'aime beaucoup)  

    

Publié dans Histoires comme ça

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C
c'est une bien lourde mission d'être gentil avec tout le monde... lol<br /> clem
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D
biblique inspiration,<br /> si on s'en remet à l'image... why not? <br /> <br /> pauv gabi!
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L
Qu'est ce c'est encoe ce con de "chevalier" d'hier, ou du mois prochais. Qu'il aille rompre lance avec le Temps, s'il ne va pas au supermarché....
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D
Je voulais t'énoncer un mot très doux à ton gracieux éveil. Mais trop tard: je dors.
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L
Merci à toi, petite Cerise d'avoir si bien emplumé ma colère.
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